Q/R Les intérêts d’un emprunt contracté pour l’achat d’une SCPI internationale sont-ils déductibles ?

Question : les intérêts d’un emprunt contracté pour l’achat d’une SCPI internationale sont-ils déductibles ? Merci d’avance pour votre réponse T.G.

Voici la réponse à votre question :

* Personnes physiques/ sociétés translucides :

L’article 31 du CGI donne une liste limitative de ce qui est déductible des revenus fonciers, par le contribuable, pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Dans cette énumération, figurent les intérêts des dettes qui ont servi à l’achat du bien à l’origine du revenu foncier imposable (CGI art. 31 I 1°d)).

Quelle que soit la nature de la dépense en jeu, la première condition de cette déductibilité est toujours que le bien financé par l’emprunt produise des revenus dans la même catégorie que celle dans laquelle on souhaite déduire une charge (principe général du droit fiscal : ubi emolumentum, ibi et onus esse debet). Or, ce n’est pas le cas ici car les immeubles détenus à l’étranger par les scpi produisent, pour les porteurs de parts, des revenus de source étrangère exonérés par application des conventions fiscales internationales et non, à proprement parlé, des revenus fonciers imposables en France.

C’est pour cette raison que les intérêts des dettes contractées pour l’achat de SCPI en direct, ne sont pas déductibles pour la détermination du montant des revenus fonciers net imposable, au prorata des revenus de source étrangère, puisque les revenus des immeubles détenus à l’étranger par la SCPI ne sont pas des revenus fonciers imposables en France, par le jeu des conventions internationales.

* Personnes morales assujetties à l’impôt sur les sociétés :

Ici, les règles sont sensiblement différentes.

L’objectif premier d’une comptabilité est de livrer une image fidèle de l’entreprise (bilan) et de son activité (compte de résultat). En matière d’impôt sur les sociétés, les bénéfices imposables sont, en principe,  déterminés selon les règles du droit comptable qui prescrit la tenue d’une comptabilité complète et régulière (le droit comptable tient le droit fiscal en l’état. Cette règle est notamment exprimée à l’article 38 quater annexe III CGI).

Une fois le bénéfice déterminé selon ces règles, celui-ci peut éventuellement faire l’objet d’une rectification extra-comptable, pour le calcul de l’IS, par application des règles dérogatoires du droit fiscal propres à la liquidation de cet impôt (charges somptuaires, amortissements dérogatoires, provisions réglementées, etc…).

En principe donc, si le droit fiscal ne prescrit pas de rectification extra-comptable pour la liquidation de l’IS, ou de règles fiscales contraires ou incompatibles avec le plan comptable général, les règles comptables sont applicables. En cas d’incompatibilité entre les règles fiscales et les règles comptables, les divergences donnent lieu soit à des réintégrations, soit à des déductions extra-comptables portées sur l’imprimé cerfa n°2058A (ou 2033) de détermination du résultat fiscal.

=> Que nous dit le droit comptable (plan comptable général) ?

Les intérêts sont déductibles à la condition que la dette ait été contractée pour les besoins ou dans l’intérêt de l’entreprise et soit inscrite au bilan. C’est le cas, par exemple des intérêts payés pour l’acquisition du fonds de commerce ou des éléments d’actifs, des intérêts d’obligations émises par la société, ainsi que des intérêts payés aux fournisseurs…

Au cas présent, le plan comptable général nous prescrit donc d’inscrire la dette au bilan et de passer les intérêts en charges déductibles (frais financiers), pour la détermination du bénéfice comptable. Ne pas le faire reviendrait à ne pas délivrer une image fidèle de la situation de la société.

= > Quels sont les rectifications extra-comptables à opérer au cas présent ?

* Nous ne sommes concernés ni par la limitation générale de la déductibilité des charges financières (charges financières non supérieures à 3 M€ – CGI 212 bis), ni par la non déductibilité des charges liées à l’acquisition de titres de participation (valeur totale des titres inférieure à 1 million d’euros & SCPI en dehors du champ d’application de ce dispositif – CGI 209 IX). A ma connaissance, il n’y a donc aucune rectification extra-comptable à faire au titre des charges financières.

* En revanche, l’application des conventions internationales visant à éviter la double imposition nous conduit à renseigner l’imprimé 2058 A (ou 2033) pour éliminer la double imposition qui pourrait résulter de l’application de l’impôt sur les sociétés, aux revenus d’immeubles taxés à l’étranger. Pour les investisseurs qui sont des sociétés ou des entités soumises à l’impôt sur les sociétés, en l’absence de progressivité de l’impôt sur les sociétés français, la méthode d’élimination des doubles impositions prévue par les conventions fiscales équivaut à une exemption. Ainsi, les revenus fonciers de source étrangère concernés par les conventions internationales sont purement et simplement déduits du bénéfice comptable, avant application du barème de l’impôt sur les sociétés.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ces questions, je vous invite à consulter le dossier thématique que j’ai rédigé sur les SCPI internationales, disponible dans la rubrique « télécharger et approfondir ».

Sentiments distingués.

Stéphane Grimaldi

19/01/2018

5 Commentaires

  1. LIMOSIN

    Si les revenus de source étrangère produits par les SCPI internationales ne sont pas imposés en France par le biais du crédit d’impôt ou de la règle du taux effectif, ceux-ci sont toutefois pris en compte (revenu mondial) pour la détermination du taux marginal dans l’application du barème, afin de préserver la progressivité de l’impôt.
    Raison peut-être pour laquelle il est bien mentionné par certaines SCPI (Corum, PFO2, La Française, etc…) que les intérêts d’emprunt SONT DEDUCTIBLES des revenus étranger au prorata de ceux-ci.
    Ces SCPI s’engagent par écrit.

    Réponse
    • Stéphane

      Effectivement, la possibilité de « déduction » que vous mentionnez existe bel et bien pour le calcul du taux effectif. En revanche, ce que vous ne pouvez pas faire c’est déduire les intérêts d’un emprunt contracté pour acheter des SCPI investies à l’international sur des revenus fonciers de source française.

      L’erreur est classique dans de nombreuses déclarations et mon article a pour objectif de la souligner…

      Stéphane Grimaldi

      Réponse
      • Matthieu

        Bonsoir,

        Merci , mais par exemple si je souhaite investir 100 000 euros de corum xl (100% à l’étranger) à crédit et que je ne possède pas de revenus fonciers à l’heure actuelle, les intérêts seront déductibles ?

        Merci et bonne continuation à ce super blog !

        Réponse
  2. Jacquin

    Merci Stéphane pour cette analyse intéressante.
    Mais j’aimerai avoir votre avis sur un point un peu plus précis, en rapport avec votre cas ci dessus.
    Vous detenez une SCI IS. A l’actif vous posséder majoritairement un usufruit de SCPI dont les produits sont en grande majorité imposables a l’étranger. Par exemple CORUM CONVICTION. Vous amortissez l’usufruit, vous rentrez en produits votre quote part de revenus, et fiscalement vous ex tournez sur la 2058 A la quote part de produits sur les revenus étrangers de CORUM.
    Jusqu’ici nous sommes bien d’accord.
    Mais, au final, en ayant amorti l’usufruit, vous vous retrouvez automatiquement avec un déficit fiscal structurel puisque la quote part de revenus imposable en France est largement annulée par l’importance de l’amortissement de l’usufruit.
    Ne pensez vous pas, que bien que la SCI patrimoniale ai un objet économique certain, que la recherche d’un produit soit évident, on ne soit dans l’article 64 ,en présence d’un abus de droit?
    Patrick.

    Réponse
    • Stéphane

      Je ne pense pas que l’on puisse faire application de l’article 64LPF, car le but du schéma n’est pas « exclusivement fiscal » :
      – il n’a pas d’abus de droit par fictivité, la société ayant un fonctionnement normal (tenue d’une comptabilité, tenue d’assemblées générales), dans le respect de son objet statutaire,
      – il n’y a pas non plus d’objectif exclusivement fiscal dans le schéma que vous décrivez. Les achats d’usufruits que vous décrivez ont, avant toute chose, un objectif économique : valoriser la trésorerie de la sociétés en bénéficiant d’un rendement financier potentiellement très supérieur aux rendements sans risque (%TRI de l’ordre de 8% à 10% l’an).

      Stéphane Grimaldi

      Réponse

Laissez une réponse à Stéphane Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Secured By miniOrange