Je suis régulièrement amené à dissuader certaines personnes d’investir en parts de SCPI selon certaines modalités parce que l’usage qu’ils envisagent d’en faire est inapproprié ou non optimisé.
Voici deux exemples, en vrac, tirés de ma pratique professionnelle. Deux « fausses bonnes idées » en circulation et, bien sûr, les stratégies que je vous recommande d’adopter à la place :
- Acheter de l’usufruit de parts de SCPI lorsque l’on est une personne physique soumise à l’impôt sur le revenu …
Je suis régulièrement interrogé par des particuliers faiblement imposés qui souhaitent se constituer un revenu complémentaire en bénéficiant de la rentabilité propre à l’usufruit temporaire de parts de SCPI. Quel que soit votre taux marginal d’imposition, cette solution est toujours une mauvaise solution si vous ne disposez pas de déficits fonciers reportables à imputer sur cette nouvelle source de revenus fonciers, en raison du traitement fiscal de cet investissement. Illustration :
Monsieur xyz est un résident français imposable en France à l’impôt sur le revenu. Sont taux marginal d’imposition est de 14%. Il souhaite compléter ses revenus de salarié en tirant partie de la forte rentabilité de l’investissement en usufruit de parts de SCPI. En investissant 20.000 euros en usufruit sur 10 ans, cet investissement lui permettrait de percevoir un revenu complémentaire de l’ordre de 3000 euros par an avant impôts. Le TRI% brut de cette opération (hors délai de jouissance) serait de 8,59% (taux non garanti), mais une fois la fiscalité déduite, est-ce toujours une bonne affaire ?
En tenant compte des prélèvements sociaux de 17,20% et d’un impôt sur le revenu de 14% applicables ici sans faveur particulière, son revenu net sera de seulement 2092,5 euros, soit un taux de rendement interne net d’impôts qui s’effondre à seulement 0,89% par an. Au cas présent, il est de loin préférable d’acheter des SCPI en pleine propriété ou encore d’envisager un autre type d’investissement, s’il souhaite consommer ce capital sur 10 ans.
=> l’achat d’usufruits de parts de SCPI par une personne physique n’est intéressant que si celle-ci dispose de déficits fonciers reportables, qui vont lui permettre de réduire à zéro la fiscalité applicable à ce type d’investissement. La quantité d’usufruit et la durée de celui-ci doivent être strictement calculés et calibrés pour assurer cette imputation sans excéder le stock de déficits fonciers en stock, et en respectant le temps imparti par la législation fiscale pour réaliser cette imputation : les déficits fonciers ne sont imputables sur les revenus de même catégorie que sur les 10 années suivant la constatation de ce déficit foncier !
=> L’achat d’usufruit de parts de SCPI est couramment recommandé pour les personnes morales soumise à l’impôt sur les sociétés, parce que ce régime fiscal autorise l’amortissement de l’usufruit sur sa durée contractuelle, ce qui réduit très sensiblement l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Dans l’achat envisagé ci-dessus, la déduction au titre de l’amortissement serait de 2000 euros par an sur 10 ans, et il n’y aurait donc que 1000 euros, taxés chaque année, à l’impôt sur les sociétés !
- Financer un projet d’acquisition de parts de SCPI au travers d’une société civile à l’impôt sur les sociétés en utilisant un prêt « in fine »
Le prêt in fine est un prêt au cours duquel l’emprunteur ne paye que les intérêts au taux convenu, et rembourse au terme du prêt (généralement 10 ou 15 ans), en un seul règlement, la totalité de ce qu’il doit à la banque. A durée équivalente, le taux pratiqué est systématiquement plus élevé que celui d’un prêt amortissable (d’au moins 40 ou 50 points de base).
Ce type de financement poursuit deux objectifs principaux :
– augmenter la masse d’intérêts déductibles pour réduire la fiscalité supportée par l’investisseur, pendant toute la durée du prêt,
– augmenter l’effet de levier financier en différant le remboursement du capital jusqu’au dernier jour de l’emprunt,
Le jeu en vaut-il la chandelle dans le cadre d’un schéma d’investissement SCPI + SCI à l’IS ? Nous ne le pensons pas, pour les raisons suivantes :
=> Une plus grande masse d’intérêts déductibles permet une réduction d’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu pour les personnes physiques. Mais, si l’on veut bien tenir compte du fait que l’imposition à l’impôt sur les sociétés sera de seulement 15% jusqu’à 38.120 euros de bénéfices, cette réduction d’assiette ne se traduit pas par un gain fiscal très important et c’est précisément pour cette raison que nous ne recommandons pas ce mode de financement dans un tel contexte. Il en va tout autrement lorsque le taux d’imposition applicable correspond à celui d’une personne physique fortement imposé, c’est-à-dire concernée par un taux marginal d’imposition supérieur ou égal à 30% majoré des contributions sociales au taux de 17,2%…
=> Le prêt in fine, en augmentant l’effet de levier financier potentiel, va également avoir pour conséquence d’augmenter les contraintes et les risques financiers portés par l’investisseur. La principale contrainte de ce mode de financement réside dans la nécessité de préparer le remboursement de l’emprunt en adossant l’opération à un placement – généralement un contrat d’assurance-vie -, qui va être nanti au profit de la banque et qui sera donc affecté par avance au remboursement du prêt. Or, si la banque accepte de nantir ce placement, elle va généralement en profiter pour imposer ses conditions dans la gestion financière de ce dossier, comme par exemple : rendre le fonds en euro obligatoire pour une large part de l’allocation d’actifs, imposer un contrat « maison » mono-gestionnaire peu performant ou chargé en frais, interdire ou encadrer les arbitrages, imposer un adossement beaucoup plus important pour autoriser une gestion dynamique en unités de compte, etc…
L’adossement est le maillon faible du prêt « in fine ». Or, l’effet de levier financer du crédit ne va se matérialiser qu’à la condition que le placement net de frais et de fiscalité travaille à un taux supérieur au taux de l’emprunt, ce qui, si l’on veut bien tenir compte des contraintes mentionnées ci-dessus et de la baisse inexorable des rendements des fonds en euros, ne sera pas du tout évident, a fortiori en tenant compte du surcoût lié au prêt in fine.
Pour l’investisseur, le principal risque est que l’adossement tel que conçu au départ, ne puisse couvrir les sommes dues au terme convenu. Beaucoup de prêts in fine, mis en place au début des années 2000/2005, sont débouclés aujourd’hui avec un adossement insuffisant, en raison de la baisse massive des rendements des fonds en euros depuis 15 ans. Cela oblige bon nombre d’investisseurs à abonder le plan initial, renégocier le prêt pour en rallonger la durée voire revendre l’investissement immobilier pour solder l’affaire.
=> Il est de loin préférable de chercher à optimiser un prêt amortissable en rallongeant la durée à 20 ans, plutôt de de choisir un prêt in fine d’une durée de 10 ou 15 ans. Le prêt amortissable peut également être optimisé en négociant un différé total de remboursement, en capital et/ou en intérêts, au titre de la première année ou des deux premières années, pour faire parfaitement coïncider les premiers remboursements avec le versement des premiers loyers. Cette augmentation de durée de l’emprunt et ce différé permettent d’obtenir un meilleur levier financier potentiel, sans pour autant augmenter les risques de l’opération. Ils auront pour effet de réduire l’effort d’épargne cumulé de l’investisseur.
Stéphane Grimaldi
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