SCPI : comment investir conjointement avec ses enfants ?

Dans le but d’initier la transmission d’une partie de leur patrimoine, des parents peuvent souhaiter réaliser une souscription de l’usufruit de parts de SCPI, la nue-propriété étant souscrite en parallèle par leurs enfants.

On comprend aisément l’intérêt de l’opération :

– L’usufruit ainsi constitué sera viager au profit des parents (ou de l’un d’eux), ce qui leur permettra de percevoir, leur vie durant, les revenus des parts, et ainsi, de compléter leur retraite. L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier (article 617 du Code civil).

– Le nu-propriétaire, au décès de ses parents, récupère gratuitement la jouissance des parts, sans autre formalité que d’avoir à fournir un acte de décès et un RIB à la société de gestion. Pour acquérir cette nue-propriété, il n’aura payé qu’une partie du prix de la pleine propriété, en utilisant l’argent mis à sa disposition par ses parents !

– Il sera toujours plus avantageux de donner l’argent puis de souscrire conjointement, l’usufruit pour l’un et la nue-propriété pour l’autre, plutôt que de donner la nu-propriété des parts après la souscription. En effet, la donation de parts de SCPI ne peut être consentie que par acte notarié, alors qu’une somme d’argent peut aisément faire l’objet d’un don manuel.

Quel est le traitement juridique et fiscal de cette opération ? Quelles sont les précautions à prendre ?

Les aspects tant fiscaux que juridiques doivent être examinés.

I – Les aspects fiscaux de l’opération

Comme souvent en matière fiscal, il existe un texte clair, simple et de portée générale, immédiatement contredit par un dispositif complexe « anti-abus ». Plusieurs précautions doivent donc être prises pour rentrer dans le cadre le plus favorable.

Ainsi l’article 1133 du Code général des impôts nous dit « Sous réserve des dispositions de l’article 1020, la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à aucun impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier. »

Alors que l’article 751 du code général des impôt, dont il faudra combattre la présomption, mentionne :  » Est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu’à preuve contraire, de la succession de l’usufruitier,toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants d’eux, même exclu par testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, ou à des personnes interposées, à moins qu’il y ait eu donation régulière et que cette donation, si elle n’est pas constatée dans un contrat de mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès ou qu’il y ait eu démembrement de propriété effectué à titre gratuit, réalisé plus de trois mois avant le décès,constaté par acte authentique et pour lequel la valeur de la nue-propriété a été déterminée selon le barème prévu à l’article 669.

La preuve contraire peut notamment résulter d’une donation des deniers constatée par un acte ayant date certaine, quel qu’en soit l’auteur, en vue de financer, plus de trois mois avant le décès, l’acquisition de tout ou partie de la nue-propriété d’un bien, sous réserve de justifier de l’origine des deniers dans l’acte en constatant l’emploi.

Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans les articles 911, deuxième alinéa, et 1100 du code civil.

Toutefois, si la nue-propriété provient à l’héritier, au donataire, au légataire ou à la personne interposée d’une vente ou d’une donation à lui consentie par le défunt, les droits de mutation acquittés par le nu-propriétaire et dont il est justifié sont imputés sur l’impôt de transmission par décès exigible à raison de l’incorporation des biens dans la succession. »

Vous noterez que l’article 751 du CGI donne le « mode d’emploi » de ce qu’il faut faire au cas présent, pour

éviter la présomption fiscale :

– Une donation de somme d’argent par acte ayant acquis date certaine, c’est à dire une donation manuelle de somme d’argent révélée à l’administration fiscale ou une donation-partage par acte notarié (le choix pour l’une ou l’autre des deux formules résultant de l’examen des aspects civils de l’opération).

– La mention de l’origine des deniers dans le bulletin de souscription et la convention de démembrement constatant l’emploi de ces fonds par le nu-propriétaire.

Ces précautions permettent donc d’entrer dans le cadre le plus favorable.

La déclaration de don manuel se fait sur un formulaire cerfa 2735 en deux exemplaires téléchargeable ici :http://www.impots.gouv.fr/portal/deploi… … e_5926.pdf

La clef de répartition du prix de souscription entre l’usufruitier et le nu-propriétaire doit correspondre à la strict application de l’article 669 du Code général des impôts :

AGE de l’usufruitier

Moins de :

21 ans révolus : 90 % (U) 10 % (NP)

31 ans révolus : 80 % 20 %

41 ans révolus : 70 % 30 %

51 ans révolus : 60 % 40 %

61 ans révolus : 50 % 50 %

71 ans révolus : 40 % 60 %

81 ans révolus : 30 % 70 %

91 ans révolus : 20 % 80 %

Plus de 91 ans révolus : 10 % (U) 90 (NP)

Une telle donation peut être faite en tirant partie de l’abattement général de 100.000 euros par parent et par enfant, ou de l’abattement spécial pour donation de somme d’argent (31.865 euros par parent et par enfant, sous certaines conditions), à condition bien sûr, que ces deux abattements n’aient pas été utilisés par ailleurs.

II – Les aspects civils de l’opération

* L’usufruit ainsi constitué peut être stipulé « sans réduction jusqu’au décès du survivant des époux », ce qui signifie que le conjoint survivant bénéficiera de l’intégralité de ce revenu complémentaire, nonobstant le décès de l’un des époux. Cette stipulation n’est possible que si l’usufruit est souscrit conjointement par les deux époux. C’est une modalité efficace de protection du conjoint survivant.

* La question du rapport à succession

art 860 c.civ :  » Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.

Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

S’il résulte d’une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d’évaluation prévues par l’article 922 ci-dessous, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale. »

Il est généralement recommandé de constater la donation de somme d’argent faite à ses enfants par acte notarié de donation-partage, pour éviter que chaque enfant n’ait à rapporter une valeur différente lors du partage de la succession, en fonction de ce que chacun a pu faire de la somme d’argent qu’il a reçue. Une telle donation-partage permet d’éviter l’application de ce texte, si chaque enfant a reçu un lot et l’a accepté : les valeurs seront définitivement « gelées ».

Toutefois, au cas présent, la donation peut être consentie, sans inconvénient particulier, dans la forme d’un don manuel si :

– le donateur n’a qu’un seul enfant,

– ou si tous les enfants du donateur reçoivent exactement la même somme et l’investissent de manière identique. Dans ce dernier cas le rapport à succession sera toujours d’un montant identique pour chacun des héritiers, sous réserve, toutefois, que ce portefeuille ne soit pas modifié ou revendu, avant le décès du donateur.

02/01/2016
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